image représentative des énergies renouvelables éoliennes et solaires

Boom mondial des énergies renouvelables: l’Afrique reste à la traîne

Un déséquilibre préoccupant dans la croissance des énergies renouvelables

Le dernier rapport de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), publié en juillet 2025, met en lumière un record mondial dans l’ajout de capacité renouvelable avec 582 GW déployés en 2024. Si cette dynamique reflète une accélération significative de la transition énergétique à l’échelle mondiale, l’Afrique ne représente qu’une fraction marginale de ces nouveaux développements, malgré un potentiel exceptionnel en énergies renouvelables.

Alors que la capacité mondiale a progressé de plus de 15 % en une seule année, le continent africain n’a vu sa capacité croître que de 7,2 %, illustrant un retard structurel dans la mobilisation d’investissements, de projets et de politiques favorables.

Une dynamique mondiale tirée par l’Asie, mais l’Afrique marginalisée

Selon les chiffres d’IRENA, 71 % des ajouts de capacité renouvelable en 2024 ont été réalisés en Asie, avec une domination marquée de la Chine. L’Europe arrive loin derrière avec 12,3 %, suivie par l’Amérique du Nord avec 7,8 %.

En comparaison, l’Afrique, l’Eurasie, l’Amérique centrale et les Caraïbes réunis ne comptent que pour 2,8 % de cette nouvelle capacité mondiale. Cette répartition témoigne d’un déséquilibre profond dans la géographie des investissements et des projets renouvelables.

Francesco La Camera, directeur général d’IRENA, alerte :

« Le boom des énergies renouvelables transforme les marchés mondiaux de l’énergie, stimule les économies et crée d’immenses opportunités d’investissement. Mais la fracture régionale croissante démontre que tous ne bénéficient pas également de cette transition. »

Source : RenewablePower Generation Costs in 2024 – IRENA report 2025

Le manque d’investissements freine la transition africaine

Derrière ces écarts se cache une réalité économique et politique : les régions qui attirent les investissements structurés dans les énergies renouvelables bénéficient d’un triple effet positif :

  • Amélioration de la sécurité énergétique ;
  • Accélération de l’activité industrielle ;
  • Création d’emplois durables.

L’Afrique, pourtant riche en ressources solaires, éoliennes, hydrauliques et géothermiques, peine à capter les financements nécessaires à sa transition. La Camera ajoute :

« Combler cette fracture nécessite des politiques ciblées, des financements internationaux adaptés et des partenariats qui libèrent le capital et la technologie dans les régions qui en ont le plus besoin. »

Un objectif mondial encore hors de portée

Malgré le record atteint en 2024, IRENA souligne que le rythme actuel de croissance reste insuffisant pour atteindre les objectifs climatiques. Le monde vise un triplement de la capacité renouvelable d’ici 2030 pour atteindre 11,2 térawatts (TW).

Or, si la tendance actuelle se poursuit, le monde atteindra seulement 10,3 TW, soit un manque de 0,9 TW. Pour combler ce déficit, le taux de croissance annuel devra passer de 15 % à 16,6 % dans les cinq prochaines années — un effort considérable.

Solaire et éolien : les piliers de la nouvelle croissance

Le rapport souligne également la domination du solaire et de l’éolien, qui représentent 97,5 % des nouvelles capacités nettes installées en 2024. À lui seul, le solaire photovoltaïque a ajouté 453 GW, confirmant sa compétitivité économique et sa rapidité de déploiement.

L’éolien suit avec 114 GW, consolidant sa place dans les systèmes énergétiques mondiaux.

Aujourd’hui, les énergies renouvelables représentent 46,2 % de la capacité électrique mondiale installée, contre 47,3 % pour les énergies fossiles. Cette quasi-parité marque une étape majeure dans la transition énergétique mondiale.

L’électricité renouvelable en constante progression

La croissance de la production d’électricité renouvelable se poursuit à un rythme soutenu. En 2023, la production a augmenté de 5,6 % par rapport à 2022, atteignant 8 928 térawattheures (TWh).

En comparaison, la production issue de sources non renouvelables n’a crû que de 1,2 % sur la même période. Résultat : près de 30 % de l’électricité mondiale provenait de sources renouvelables en 2023, une part en hausse continue.

Cette dynamique confirme que les renouvelables sont désormais compétitives, non seulement sur le plan environnemental, mais aussi sur le plan économique.

L’Afrique face à l’urgence d’un changement de cap

Si l’Afrique veut prendre sa place dans la transition énergétique mondiale, des mesures structurantes doivent être prises sans délai. Cela passe par :

  • La révision des cadres réglementaires pour faciliter l’accès au marché ;
  • Le renforcement des capacités techniques et institutionnelles ;
  • La mise en place de guichets de financement adaptés aux spécificités locales.

Les pays africains doivent également structurer des projets bancables, avec des données fiables, une ingénierie solide et des mécanismes de réduction des risques pour attirer les bailleurs internationaux.

Opportunité manquée ou potentiel à révéler ?

Alors que le monde se rapproche d’un point de bascule où les renouvelables surpasseront définitivement les fossiles, l’Afrique ne peut pas se permettre de rester spectatrice. Loin d’être un continent condamné à importer des modèles extérieurs, l’Afrique a les ressources, les talents et les besoins pour devenir un acteur-clé de la révolution énergétique mondiale.

Pour cela, elle devra intensifier les efforts de coopération, favoriser les solutions décentralisées (mini-réseaux, autoconsommation) et placer l’énergie au cœur de ses stratégies de développement.

Une transition inégale à rééquilibrer d’urgence

Le rapport 2025 d’IRENA offre à la fois un signal d’optimisme et un avertissement clair. Si le monde accélère sur la voie des énergies renouvelables, l’Afrique reste freinée par des obstacles financiers et structurels.

Combler ce retard n’est pas seulement une question de climat, mais de justice énergétique, d’inclusion économique et de souveraineté régionale.

À moins de cinq ans de l’échéance 2030, l’Afrique doit faire partie de la solution — et non du problème. La transition énergétique ne pourra être véritablement globale que si elle est équitable et inclusive.