Le Tchad s’engage dans un ambitieux programme de déploiement photovoltaïque visant l’installation de 520 MW de nouvelles capacités solaires d’ici 2030. Cette initiative traduit la volonté du pays de réduire sa dépendance aux énergies fossiles, de renforcer son taux d’électrification et de bâtir une base énergétique plus durable. Dans un contexte marqué par un faible accès à l’électricité et des infrastructures limitées, ce plan représente un tournant majeur pour l’avenir énergétique national.
Aujourd’hui, le Tchad compte parmi les pays les moins électrifiés au monde : à peine 6 à 12 % de la population dispose d’un accès fiable à l’électricité. Le mix énergétique est dominé par des centrales thermiques fonctionnant au fioul importé, coûteuses et fortement polluantes. Cette situation entraîne des tarifs élevés pour les ménages, freine la compétitivité des entreprises et alourdit les finances publiques. Le gouvernement ambitionne d’inverser cette tendance en portant le taux d’électrification à 60 % d’ici 2030, en atteignant 90 % en zone urbaine et en intégrant 20 à 30 % de renouvelables dans le mix énergétique national.
Une feuille de route ambitieuse
La stratégie tchadienne prévoit d’ajouter 866 MW de capacités de production d’ici 2030, dont 520 MW de solaire. Le déploiement photovoltaïque reposera sur trois piliers : la construction de grandes centrales connectées au réseau, le développement de solutions hybrides intégrant du stockage et le déploiement de mini-réseaux pour électrifier les zones rurales. L’investissement global est estimé à plus d’un milliard de dollars, incluant la production, la distribution et la modernisation des infrastructures de transport.
À N’Djamena, deux centrales hybrides solaires de 15 MW chacune, dotées de batteries de 6 MWh, sont en construction. Développées par l’entreprise française Qair, elles alimenteront près de 260 000 personnes et réduiront la consommation de diesel. Dans la ville de Mongo, une centrale solaire de 2,5 MW avec stockage est également en cours de réalisation pour renforcer l’alimentation locale.
Des projets solaires structurants
Parmi les projets les plus emblématiques de ce déploiement photovoltaique figure la centrale solaire de 120 MW prévue à N’Djamena, portée par Convalt Energy, avec une capacité de stockage équivalente à 20 % de la production. Ce projet, dont le lancement de la construction est prévu fin 2025, devrait être mis en service en 2026 et contribuer de manière significative à la sécurité énergétique de la capitale.
Autre exemple, la centrale de Djermaya de 36 MW, extensible à 60 MW, est l’un des premiers projets développés sous le régime de concessions. Porté par Djermaya Solar, un consortium composé d’InfraCo Africa, Aldwych Africa Developments et Smart Energies, le projet inclut une batterie de 4 MWh et illustre la montée en puissance des partenariats public-privé au Tchad.
En septembre 2025, Global South Utilities (GSU) a inauguré une centrale solaire de 50 MW à N’Djamena, équipée de plus de 81 000 panneaux solaires et de 158 onduleurs. Cette réalisation, baptisée Noor Chad, est déjà opérationnelle et fournit une électricité propre à des milliers de foyers.
Ces projets viennent compléter l’ambitieux portefeuille annoncé par le gouvernement, et montrent que le pays ne se limite pas aux annonces, mais avance concrètement dans la mise en œuvre.

Financements et partenaires clés
Le succès du déploiement photovoltaïque repose aussi sur la mobilisation de bailleurs internationaux. Pour le projet Djermaya, le financement a été structuré grâce à l’appui de la Banque Africaine de Développement (BAD), de Proparco et de l’Emerging Africa Infrastructure Fund (EAIF), sous forme de prêts senior et de garanties. L’Union européenne, via le EU-Africa Infrastructure Trust Fund, a également contribué en finançant les composantes de stockage et de transmission.
Les deux centrales hybrides de Qair à Lamadji et Gassi-Bagoum bénéficient d’un financement de 28 millions d’euros de la BAD, dans le cadre de l’initiative Desert to Power. Ce financement combine prêt, subventions et garanties afin de sécuriser le projet et de maximiser son impact sur l’accès à l’énergie.
Pour Convalt Energy, le projet de 120 MW est porté par des fonds privés, mais il attire aussi l’attention de bailleurs multilatéraux qui envisagent de soutenir le stockage et le raccordement au réseau. Enfin, la centrale inaugurée par GSU s’inscrit dans une logique d’investissement direct privé, illustrant la diversification des sources de financement.
Opportunités et retombées
Le potentiel solaire du Tchad est considérable, avec un ensoleillement parmi les plus élevés au monde et des terres disponibles pour accueillir des projets d’envergure. Les retombées de ce déploiement photovoltaïque sont multiples. Sur le plan économique, il réduira la dépendance au fioul importé et les subventions coûteuses associées. Sur le plan social, il améliorera la vie quotidienne de millions de ménages, tout en favorisant le développement d’écoles, d’hôpitaux et d’entreprises locales. Sur le plan environnemental, la substitution des centrales thermiques par le solaire permettra de réduire sensiblement les émissions de CO₂ et d’améliorer la résilience face aux effets du changement climatique.
Défis persistants
Malgré ces avancées, plusieurs défis demeurent. Les infrastructures de transport et de distribution sont insuffisantes et nécessitent des investissements lourds. Le cadre réglementaire doit être renforcé afin de garantir une sécurité juridique et financière pour les investisseurs. Les mécanismes de financement doivent être diversifiés, incluant des garanties souveraines et des partenariats avec le secteur privé. Enfin, le développement des compétences locales est crucial : former des ingénieurs, des techniciens et des entrepreneurs permettra d’assurer l’exploitation durable des installations et de stimuler la création d’une véritable filière industrielle nationale.
Une vision à long terme
Le Tchad envisage une mise en œuvre progressive : projets pilotes à court terme, parcs solaires de grande taille avec stockage à moyen terme, mini-réseaux en zones rurales pour maximiser l’impact social, puis développement d’une industrie locale du solaire à long terme. Cette approche permettra de renforcer la capacité du pays à s’approprier les technologies, à créer des emplois qualifiés et à ancrer une dynamique durable.
Avec un objectif clair de 520 MW de solaire d’ici 2030, le Tchad engage un déploiement photovoltaïque qui pourrait transformer en profondeur son économie et sa société. Les projets déjà en cours, les financements mobilisés et l’implication d’acteurs privés et multilatéraux montrent que la trajectoire est crédible. Si les défis techniques, financiers et institutionnels restent importants, les opportunités offertes par le solaire sont immenses. Le soleil tchadien, longtemps perçu comme une contrainte climatique, pourrait bien devenir le moteur de la prospérité nationale et un symbole de la transition énergétique africaine.
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